Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon
Plusieurs indices montrent que l'économie du vignoble nantais, du XVIe siècles au XIXe siècle avait de nombreux liens avec le commerce des esclaves dont Nantes était un port qui avait une place prépondérante. Ce commerce effectuait des parcours triangulaires : Nantes, le golfe de Guinée, l'Amérique.
Un baptème à Monnières
Mention marginal : François Jacqques nègre
Le 21 juin 1750 a été baptisé dans l’église de Monnières un nègre âgé d’environ 15 ans appartenant à noble homme François Pierre DE LA HAYS Sieur de la Jugelais capitaine de vaisseau pour les maréchaux et à demi à fille Marie BUREAU épouse. A été parrain noble homme Jacques BUREAU négociant à Nantes et marraine dame Françoise lE MENEUST veuve de noble homme Jean DE LA HAYS sieur de la Jugelais avocat en parlement alloué du marquisat de Goulaine qui ont signé et lui ont imposé le nom de François Jacques. La cérémonie a été faite par messire Armand Christophe BARAIN archidiacre et grand vicaire de Tréguier.
Ont signé : BUREAU, DE LA HAYS, Marie BUREAU DE LA HAYS, Jeanne Marie BUREAU, Henriette Renée DE LA HAYS, Marie Anne Françoise DE LA HAYS, BARRERIT (?), MARION, CHESPRY, ROUSSEAU, LANNIER procureur fiscal de la Galissonnière, BEAURITOU, MALNERI, BARRIN, Hélène NEAU, De BRUC du Cleray, BOURGEOIS prieur et recteur de St Crespin, Vincente félicité BARRIN, GUYARD vicaire, MOREAU rafineur, BOURGEOIS, L. MARION, TERRIEN vicaire, Anne BOURGEOIS, R BOURGEOIS recteur de Monnières.
Il s'agit du baptême d'un esclave qui appartient à Monsieur et à Madame DE LA HAYS. Un nom est imposé à cet adolescent. Le nombre de personnes présentes et leurs qualités montrent clairement que ce public connait bien le commerce des esclaves qui s’effectue entre l'Afrique, l'Amérique et l'Europe.
Non seulement ce commerce d'esclaves est connu, mais les participants à ce baptême en sont bénéficiaires. Même les autorités religieuses sont des acteurs bienveillants à ce monde esclavagiste. Ce baptême n'est pas un acte isolé, les signataires dévoilent la classe sociale qui participe et qui bénéficie de ce commerce.
Le livre de Anne-Marie GARAT "Humeur noire" (Actes sud - 2021) développe l'indignation que nous pouvons ressentir devant ce système esclavagiste mis en place à Bordeaux comme à Nantes.
Une question adressée à des propriétaires
A Mouzillon des propriétaires ont acheté des vignes, des terres, des exploitations... d'où tenaient-ils les moyens financiers ?
Au XVIIe et au XVIIe siècle, au fur et à mesure que l'aristocratie lâche prise sur la propriété foncière dans le vignoble nantais, ce sont des négociants nantais qui achètent et investissent dans les exploitations.
En 1745,la famille de Guillaume GROU, négociant et armateur nantais, achète La Placière de Chateau-Thébaud. Pour cette famille qui pratique la traite négrière, la Placière de Chateau-Thébaud est un simple placement.
Du négoce à Nantes ... mais quel négoce ?
Bien sûr personne ne se déclare marchand d'esclaves. Mais souvent l'acquisition de ces esclaves se passait dans un contexte d'échanges. Le négoce de plusieurs produits épaulait le commerce négrier. Des métaux étaient nécessaire aux fers des esclaves, le textile s'échangeait facilement, et surtout le sucre qui arrivait des Antilles.
Nous pouvons relire sous ce point de vue les écrits de Michel DUBOUEIX "Le commerce [...] A proprement parler, il n'y a pas de manufacture dans la ville, car on ne peut guère qualifier de ce nom une fabrique d'indiennes, établie depuis quatre ou cinq ans, par deux ouvriers Suisses; mais à une demi-lieue de Clisson, dans la paroisse de Cugand, il y a deux établissements considérables qui en tiennent lieu.
L'un est une fabrique de papier et carton, qui occupe tous les habitants d'un village nommé Antier, situé sur les bords de la Sèvre. On y fait des papiers de toutes grandeur et qualité. Cette manufacture et quelques autres de même espèce, située à peu de distance sur la même rive, forment une branche de commerce très importante [...]
L'autre établissement, situé dans la même paroisse de Cugand, à un quart de lieue de la ville, et sur la rive gauche de la Sèvre, est une forge ou fonderie de fer, qui devient de plus en plus considérable, étant aujourd'hui dirigée par un négociant très riche. On s'occupe dans cette forge à refondre tous les débris de canons et autres ouvrages de fer, marqués à la fonderie de Nantes, ainsi que tous les rebuts appelés _carcas, et ferrailles que l'on recueille de toutes parts. On en fait du fer en baguette cylindriques, qui sert pour les chevilles de navire, du fer plat et des pivots de moulin à sucre pour l'Amérique._[...]
Ces activités étaient un morceau du puzzle du grand commerce nantais.
Des fonctions à la mairie de Nantes ou à la Chambre des comptes de Bretagne ... l'historien Olivier PETRE-GRENOUILLEAU, dans son ouvrage "Nantes au temps de la traite des Noirs" est explicite : "_ Installée sous Louis XII et relogée à partir de 1763, la Chambre des comptes de Bretagne est en partie noyautée par des familles du négoce à la recherche de voies d'anoblissement_" (page 126).
Les journaliers, les exploitants agricoles de Mouzillon ne pouvaient pas rivaliser avec ceux qui bénéficiaient du commerce nantais. C'est ce qui explique leur forte dépendance à l'égard des propriétaires de leur terres, de leur vignes et de leur maison.